L’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise au sens de l'article 222-23 du Code pénal.
Une femme âgée de 33 ans, dépose plainte pour des faits de viol contre un individu dont elle a fait la connaissance sur un site de rencontre et qui s’est présenté comme étant X., 37 ans, 1,78 m, architecte d'intérieur travaillant à Monaco, une photo ayant été jointe à son profil pour le représenter. Elle raconte aux enquêteurs qu’au fil des mois une relation amoureuse s'est instaurée entre eux par téléphone au cours de laquelle elle lui a confié son passé sentimental, son enfance marquée par des attouchements sexuels dont elle a été victime ainsi que son manque de confiance envers les hommes. Elle ajoute qu’elle a accepté de se rendre à son domicile pour une première rencontre qui devait être, selon l’expression employée par l’homme « magique » et qu’à sa demande, il était prévu qu’elle entre dans l’appartement, se bande les yeux sans l'avoir vu, se mette nue et le rejoigne dans la chambre guidée par sa voix. Elle explique s’être exécutée et que, comme convenu préalablement entre eux, l’homme lui a attaché les mains et qu’ils ont eu une relation sexuelle à l’issue duquel il l'a détachée et autorisée à enlever son bandeau et qu’elle a alors découvert un homme qui ne correspondait pas au profil « internet » du site de rencontre mais était « un vieil homme à la peau fripée et au ventre bedonnant ». Les investigations entreprises permettent de découvrir que la photo de profil est en réalité celle d’un mannequin au physique athlétique trouvée sur internet et que «X. » est en réalité un homme de 68 ans, résidant à Nice et connu des services de police pour deux affaires similaires, classées sans suite. Immédiatement interpellé et placé en garde à vue, le prévenu, reconnait avoir déjà réalisé ce scénario avec d’autres femmes et l’avoir reproduit avec la plaignante mais soutient n’avoir jamais commis de viol, considérant que ces femmes se sont toutes rendues librement à son domicile dans l’optique d’avoir une relation sexuelle et qu’il n’a exercé aucune violence sur elles. Les plaignantes - toutes fragiles psychologiquement au moment de leur rencontre avec lui (rupture, mère célibataires, veuve) ; – considèrent au contraire que leur consentement a été surpris par les stratagèmes mis en place par l’homme. Mis en examen des chefs de viols aggravés sur des victimes non identifiées entre 2009 et 2015, et sur trois autres femmes identifiées en 2009, 2014 et 2015, l’homme ne conteste pas que, sans les fausses informations transmises à ces femmes, il n’aurait pu parvenir à ses fins. Ainsi, au terme de l’information, le juge d’instruction ordonne sa mise en accusation du chef de viols commis par surprise sur les parties civiles mises en contact avec lui grâce à l’utilisation d’un réseau de communication électronique.
CL’arrêt attaqué (CA Aix-en-Provence, ch. instr., 12 avr. 2018) avait infirmé l’ordonnance du juge d’instruction et retenu que « la surprise ne peut être assimilée au sentiment d’étonnement ou de stupéfaction des plaignantes lors de la découverte des caractéristiques physiques de leur partenaire ». Pour les juges d’appel, si le stratagème utilisé a pu incontestablement constituer un moyen pour amener les plaignantes à se présenter au domicile du prévenu, elles avaient accepté d’avoir une relation sexuelle au domicile d’un nommé « X. » suivant un scénario élaboré par celui-ci et qu’elles étaient capables « d’analyser une situation pour le moins originale et le cas échéant, de s’y dérober », qu’ainsi « aucune contrainte ou menace sérieuse » n’avaient été exercées contre elles.
C’est par un attendu de principe au visa de l’article 222-23 du Code pénal que la Cour de cassation casse l’arrêt en énonçant que « l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise ».Constitue ainsi dorénavant un viol par surprise le fait de profiter, en toute connaissance de cause, de l’erreur commise par la victime sur l’identité civile et physique de son partenaire suite à la mise en place d’un stratagème préalablement élaboré par ce dernier, pour surprendre son consentement et obtenir de cette dernière, un acte de pénétration sexuelle.
JCl. Pénal Code, Synthèse 90
Sources : Cass. crim., 23 janv. 2019, n° 18-82.833, FS-P+B+I